Quoi ? Que je te raconte ma vie ? Mais pour quoi faire ? T’es juste sensée me vendre, ton patron en a rien à faire que tu fasses ami-ami avec les hybrides… Tu seras pas plus payée si tu écris ma biographie.
Bon allez, tu me donnes quoi en échange ? […] Ok. J’espère que t’as bien pesé le pour et le contre parce qu’il n’y a rien de palpitant.
Déjà, mon histoire ne démarre qu’il y a 4 ans. Avant je ne me rappelle de rien. Je me suis réveillé dans une cage un peu comme celle-ci. Il n’y avait pas grand-chose autour de moi, que d’autres hybrides tout aussi pitoyables que moi, tous derrière les barreaux. Il y avait une petite pancarte devant ma cage. Je me rappelle encore de chaque mot.
« Zéphir
Hybride dingo – docile – fort – endurant – loyal
Sera parfait pour toutes activités sportives – s’entend bien avec les enfants »
La classe hein ? Ça donne envie non ? C’était surement le but.
Moi, le premier truc auquel j’ai pensé en voyant ça c’est « Zéphir ? C’est un bon prénom de merde ». Après je me suis demandé comment ils pouvaient en savoir tant sur moi, alors que moi-même je ne savais pas qui j’étais. Concrètement, j’aurais jamais pu dire à ce moment si, effectivement, je m’entends bien avec des enfants ou si je suis le genre de type à leur proposer de jouer à cache-cache sans jamais aller les chercher. Et puis loyal… Non mais sérieusement ? Est-ce que j’étais vraiment loyal ? Est-ce que eux ils savaient d’où je viens et ce que j’avais vécu avant ? J’ai un peu parlé avec les vendeuses et finalement il s’avère qu’à part les caractéristiques physiques, ils ont noté ce qui fait vendre sans se poser trop de questions.
Enfin bref, j’y suis resté une semaine environ, j’ai vite été acheté par une petite nana, le genre fille à papa qui s’achète un être vivant doté de conscience, juste pour occuper ses journées pluvieuses.
Je me faisais chier, y’a pas à dire. J’étais juste sa nouvelle acquisition. Au début elle me fourrait régulièrement sous le nez de ses copines pour leur montrer à quel point son nouvel hybride est cool par rapport aux leurs. Et puis je sais pas, elle a du se lasser, je me suis retrouvé assigné aux tâches ménagères et à distraire la ménagère. Franchement rien de bien palpitant. Un jour elle a acheté un hybride plus jeune et m’a refourgué à une de ses copines.
Je suis passé de meuf en meuf pendant deux ans jusqu’au jour où je suis tombé dans une maison où il y avait aussi un homme. Ma nouvelle « maîtresse » avait un frère. Un petit con qui se prend pour un dieu vivant alors qu’il était bête comme ses pieds. Un jour il avait ramené une de ses conquêtes à la maison. J’ai flirté un peu avec, fallait bien que je m’occupe après tout. Le petit prince n’a pas apprécié. Il a levé la main sur moi. Ce con m’a collé une droite et m’a craché dessus. Tu commences à me connaitre depuis les semaines que je suis dans cette cage, je suis pas du genre à me laisser marcher dessus.
J’ai riposté. Je crois que je lui ai pété le nez mais je ne suis plus vraiment sûr, ça importe peu à vrai dire. Dans tous les cas, ils m’ont foutus à la fourrière. Je suis retourné en animalerie.
Je suis resté longtemps dans ma nouvelle cage, quel client veut acheter un hybride qui pète des dents ? Un type a fini par m’acheter, c’est justement la violence dont j’avais fait preuve qui l’a intéressé. Ouais ça pue dit comme ça hein ? Je me demandais ce qu’il me réservait, il n’a pas dit un mot pendant le trajet jusque chez lui. Quand je suis arrivé il y avait déjà deux autres hybrides, tous les deux des hybrides canidés… Je me suis d’abord dit que c’était une coïncidence, après j’ai compris qu’il choisissait ses hybrides en fonction de la loyauté et de la férocité des animaux avec lesquels ils sont croisés. Enfin bref. Mon maître s’appelait Arthur et il se prenait un peu pour un laniste à la tête de ses gladiateurs. J’ai été entrainé à me battre et il m’a rapidement fait participer à des combats illégaux, comme Georges et Edward ses deux autres hybrides. Je te vois venir… « Genre tu t’es pas rebellé ? » et bien non, on avait tous les trois un collier commandé à distance, il pouvait nous envoyer des décharges quand bon lui semblait.
Ça a duré deux ans. Il se faisait du fric sur notre dos. On était récompensés lorsqu’on remportait nos combats alors que lorsqu’on perdait… Et bien… Je me rappelle, un soir, je m’étais fait exploser. J’avais perdu lamentablement contre un hybride lion. Arthur a perdu max de fric sur ce coup là. Les organisateurs m’ont sortis de l’arène, j’étais en piteux état. Allongé par terre, j’essayais de reprendre mon souffle, d’oublier que j’avais mal absolument partout. L’odeur du sang, de l’urine et de la sueur m’emplissait les narines, c’était à vomir, mais on prenait vite l’habitude. Arthur a débarqué, il était fou de rage. Il m’a attrapé par le collier et m’a trainé dehors. Il m’a ordonné d’embrasser le trottoir. Alors que j’avais le bord du trottoir dans la bouche, ce dingue m’a donné un coup de pied derrière la tête. Je me suis évanoui sur le coup. Quand je me suis réveillé Georges était en train de finir de me recoudre les coins de la bouche.
C’était un grand malade cet humain. Et après on ose dire que les hybrides sont des animaux… Il faisait strictement ce qu’il voulait de nous. On était tous les trois tatoués pour qu’il nous repère de loin lors des combats. Je me suis fait à moitié bouffer une oreille animale lors d’un combat, il a fini par me les couper pour éviter qu’on me les arrache.
Heureusement pour nous, il avait plus d’une tare. En soirée il picolait pas mal. Une nuit, il est rentré en caisse alors qu’il était rond comme un coin. Il a raté un virage. On avait plus de maître, mais on était toujours bloqués à cause des colliers. Des flics sont venus nous récupérer. Ils nous ont débarrassés des colliers, Edward a réussi à se faire la malle, il doit surement être considéré comme un sauvage maintenant, mais ça ne peut pas être pire que ce que nous faisait subir Arthur. Je l’aurais bien suivit mais mes oreilles s’étaient infectées et j’avais besoin de soins. Ils m’ont envoyés chez le véto avant de me mettre dans votre animalerie.
Tu connais le reste de l’histoire, je suis dans une de tes cages et j’attends qu’il se passe un truc.