Kell, une main de fer dans un gant de pierre. Fini

Cette jeune femme de 28 ans, adepte du sport de contacte, en a l’allure. Son corps ferme et fin, étiré en hauteur aurait pu en faire un hybride mannequin de choix. Sa peau noir ocre tranche avec la blondeur de ses longs cheveux ondulés. L’intensité de son regard, délivrée par ses yeux gris en amande, achèvera toutes formes de résistances.
Des plaques de chitine de sa couleur de peau, encadrent son buste, dos et haut de cuisse. Dans le bas de ses reins, naît une longue et puissante queue de scorpion pouvant se dresser bien au-dessus de sa tête.
Ce mélange harmonieux entre humain et animal tient en un mètre soixante-dix et soixante cinq kilos. Toute l’année elle se vêtit d’une tenue simple de cuire. Des scandales de cuirs bruts enlacées jusqu’aux genoux, une jupe composée de centaines de lanières de cuire le souligne sa taille. Exacerbée par une ceinture noire. Un bustier maintient son poitrail généreux, mais pour cette partie sensible le nylon lui convient mieux. Généralement sous la forme d’un haut moderne et sobre.
Le plus souvent elle laisse sa crinière blonde libre, surement un des rares points de cohérents chez elle. Ses cheveux lui tombent actuellement sous les épaules, la masse changeant ses boucles finement ciselées en ondulations marquées.
Sa démarche est rapide, ferme. Et pour quelques-uns, démontre une certaine agressivité innée. Elle se montre bien plus chaleureuse quand elle danse, heureusement ! Dans tout ceci, on oublierait presque la marque d’esclave qu’elle se maquille pour passer un peu plus inaperçue.
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En vu de son passif, la jeune hybride que voici n’est pas des plus équilibrées… Un brin trop méfiant, elle sera pourtant très encline à l’échange dès qu’elle sera en confiance.
La solitude étant bien lourde à vivre, certains sujets comme l’esclavage, la misogynie, ou la poussière  la mette hors d’elle. Si la situation le fait, elle perdra toutes notions du bien et du mal pour peu qu’elle « soulage » l’injustice et sa colère. Oui, pour de la poussière aussi.
Privée de toutes attaches, Kell, en son fort intérieur ne souhaite qu’une horde avec laquelle s’établir et construire un monde équitable.
Son assurance et sa naïveté naturelle la pousse facilement à se montrer tyrannique, d’autant si elle apprécie la personne. La crainte absolue de l’apprentie Candide, est d’apprendre la mort avérée de sa mère.  Comme tout à chacun, elle aime divers choses qui lui font aimer malgré tout la vie.
Elle est littéralement accro au chocolat, noir de préférences. La pluie étant relativement exotique pour elle, elle est tout à fait encline à une longue marche sous une pluie battante. Quitte à attraper une bonne bronchite.  Kell aime aussi beaucoup les belles personnes. Secrètement, elle guète une personne mangeant du surimi sous la pluie avec une tablette de chocolat, dans de l’aluminium ou un tee-shirt.
Un projet qui ne lui sera d’autant pas évident à réaliser (et qu’il s’agit là d’un profile aussi incongru qu’inquiétant), que Kell choisit de manière très pragmatique un peu près tout ce qui se passe dans sa vie.
Petit point important, un milieu étroit la déprime assez violemment, mais moins qu’elle ne le devient.  Bien qu’elle ait grandit en milieu clos, il était très vaste.
En vue du chaos mental qui régit son esprit, il y a fort à parié qu’une nouvelle pareille achèverai les reliquats de bon sens qui lui restent. En somme, Kell est intègre et passionnée. Globalement expressive et sujette à l’orgueil, elle se prend souvent pour le bras armé de la cause hybride. Un soldat en croisade contre les horribles humains esclavagistes.

Tous les mêmes ces humains…  Le tout tient bon avec un cynisme parfaitement antipathique.  
Enfin, Kell est profondément angoissée à l’idée d’être la seule de son espèce. Aussi, elle aimerai par-dessous tout en apprendre plus sur sa famille maternelle et pourquoi par lui rendre visite une fois sa mère retrouvée.

« Il y 28 ans de cella, était conçu Kell, fille de Susie Sémidéa et de Jochua Mc Hil’l Ven. Ce ne fut pas un acte d’amour. Non, mais de possession.  Son père était un homme très riche obsédé par la rareté. A l’issu d’une expédition en foret vierge équatoriale il captura celle qu’il baptisa Susie. Le seul hybride scorpion connu. Installées sur son île au large de la Grèce, les années passèrent dans le plus grand secret… Puis les gardes côtes ont eu l’autorisation d’accoster, par la préfecture de marine. Le riche homme ayant manqué nombres d’obligations, une enquête a été ouverte. Kell fut découverte dans le domaine. Tranquillisée pour le transport, elle me fut amenée, ici à l’hôpital psychiatrique de Léros. N’ayant aucun centre de dressage à proximité, on m’a chargé d’évaluer les dispositions psychiques de cet hybride.
Pour se faire je vais entamer une démarche psychanalytique sommaire puis rendrai mon rapport ce soir.    »

Le psychiatre stoppa son mémo et adressa enfin un peu d’intention à la jeune hybride. Laquelle était posée sagement en face de lui, dans son éternel tenue spartiate.

« Donc… Expliquer tout ce qui s’est passé ensuite, hybride. »

Kell le fixa sans broncher et se plia à la demande.

« Le jour de ma naissance, ma mère a fait une profonde dépression. Un baby blue je crois. Une semaine plus tard, elle est devenue folle et s’est enfuie dans la mer. Où elle a disparue sans trace. En tout cas, c’est ce que mon… Géniteur m’a dit avant … »

Son regard acier s’était brièvement perdu dans le vague à l’annonce de son père. Sous sa chaise, sa queue était agitée de légers spasmes.  Puis, dissipant une gêne, elle toussota avant de reprendre son monologue forcé.

« Mon père a eu très peur que l’on me retire à lui, alors il a aménagé tout le sous-sol de son domaine. Et il m’y a fait grandir. Et le pire c’est que je pensais que c’était normal… »
Elle poussa un rire jaune, les yeux flous. Le corps figé.

« Il avait pensé à tout. C’était une sorte de grotte toute équipée, avec des puits de lumières, des arbres et une cascade d’eau. J’y étais bien… Puis vers 20 ans, je supportais plus de ne recevoir la visite que de mon père. Je m’occupais tout le temps, avec du sport, des jeux vidéos, des entrainements, la lecture… etc. Mais quand vous êtes seule, totalement, vous être prisonnière d’une journée éternelle…
Pour rendre ça plus supportable, j’ai appris la plus parts des danses vivantes grâce aux vidéos internet et aux jeux de danses. J’étais seule mais quand je dansais, j’étais autre part. Parfois, mon père me demandait de danser pour lui. Il m’appelait sa petite nymphe…»

Son visage se marqua d’une barre de contrariété, un rictus accroché à la bouche. Kell se redressa sur son assise. Le médecin la toisait avec un intérêt non feint.  Son attention totalement absorbée, il n’en bougeait plus.
Toussotant à son tour, il lui fit signe de poursuivre.
Ce qu’elle fit sans autre choix et avec un blâme oculaire de dégoût vers l’homme.

« Un jour, j’avais alors 20 ans, j’ai crocheté la serrure et ai réussit à monter dans sa maison. C’était mon premier moment de liberté… J’avais le vertige tant c’était bon de découvrir quelque chose, de marcher sur du parquet. Mais je voulais surtout partir. Je suis tombée sur son bureau. Alors j’ai fouillé pour trouver de l’argent. Tout ce que j’ai trouvé, c’était une photo de ma mère dans une cage de verre, sur un podium. »

L’hybride fit une pause et prit la tasse lentement, guettant une réaction. Mais le psychiatre était comme fasciné par sa bouche. Presque en torpeur. Il lui murmura une vague acceptation et sembla attendre.
Une fois la tasse vidée, Kell la garda en main. Une idée en tête mais ne sachant pas trop comme la réaliser.

*Il va se passer quoi pour moi ensuite ? Pas question d’être enfermée encore une fois. Jamais.* Se dit-elle.

« Hum… Madm… Hum… Kell, finit ton histoire s’il te plais »

Etonnée pas le changement d’attitude de l’humain, la scorpion sue qu’elle avait déjà gagnée.
La queue en balancier sous sa chaise, elle reprit en cherchant à cacher son excitation pour ce qui allait se passer. La liberté pour de bon était presque là…

« Soudain j’ai entendu l’hélicoptère, alors j’ai refermé la trappe de la grotte. Et je suis allé dans les étages. Je cherchais où me cacher. Mais tout était fermé, j’ai fais sauter le cadre de bois d’un verrou et me suis pressée de rentrer. Il rentrait déjà dans le hall. Alors j’ai regardé autour de moi. Le podium était là. »

Le médecin poussa un petit bruit de surprise, retirant ses lunettes pour les essuyer. Ce fut l’instant que Kell choisit pour frapper. Elle jeta sa tassa dans la tête de son thérapeute et se saisie d’un coupe papier oublié sur le bureau.  L’homme tomba en arrière en recrachant ses dents.
D’un bond, la jeune femme sauta par-dessus le bureau et appuya ses pieds sur les épaules du doctorant afin de le maintenir au sol.

« Mais lâches moi ! Qu’est-ce qui te prends ?! Ton dossier est fichu ! Si tu ne me lâches pas de suite, je vais t’envoyer dans une femme d’élevage ! »

Mais la sportive ne se laissa pas démonter ainsi. Un grand sourire sur le visage vient éclaire son teint sombre. Sa chevelure tombant de part et d’autre lui conféra un air terriblement sauvage.

« Silence humain. Tu ne feras rien. Ni à moi, ni à d’autre. De nous deux c’est toi qui est  le plus animale. Mais l’idée que tu puisses te reproduire me fait bien trop peur. Alors je ne t’enverrai pas dans une ferme. »

L’homme tremblait tout en cherchant en vain à se dégager. Quand il voulu crier, il reçu un coup de pied pour l’aider à fermer sa bouche ensanglantée et évacuer quelques dents de plus.

« Humain, tu vas savoir la fin de mon histoire, ainsi que la nôtre. Puisque cela te fait tant plaisir. »

La menace était aussi lourde que l’aire.

« … Mon père est rentré dans la chambre. Je l’ai plaqué au sol, lui demandant des explications. C’est comme ça que j’ai compris que ma mère était une pauvre cruche ayant eu le syndrome de Stockholm pour un putain de psychopathe. Il voulait me garder comme ses toiles de Picasso, chez lui, pour son prestige personnel.
Alors je l’ai obligé à faire évacuer l’île. Puis je l’ai poignardé et jeté dans la mer. Et je suis même restée 8 ans chez lui, à me préparer au monde. »

Le pauvre homme déglutit, ses yeux déformés par la terreur.

« Vous avez tué vôt… Ton père !? Un humain ?!! Sale montre ! Déch… »

La fin de sa phrase fut interrompue par le coupe papier de Kell, généreusement enfoncé dans la trachée. Son mouvement  vient déchiqueter ses chaires. L’hybride ne chercha pas à admirer son travail.  
Elle prit le portable dans la poche du cadavre en sursit et composa un numéro.
Il s’agissait d’un contact dans les marchés clandestins européens, contact qu’elle avait prit soin de développer pendant ses huit années recluses seule sur l’ile. Son projet ayant toujours été de partir à Londres, elle avait réalisé des ventes des collections de son père pour la financer. Petit à petit, elle s’était forgé un nom dans le milieu. Et un fond bancaire, au nom de Lize Virmon.  
Son séjour lui a également permit de prospecter  pour trouver comment libérer les hybrides du joug humain. Alors elle entendit parler d’une organisation rebelle, avec qui elle prit laborieusement contact. Un de ses objectifs était d’ailleurs de militer pour cette cause aux côtés des siens. Il lui fallait donc intégrer physiquement la cause rebelle. Ses multiples piratages et autre actions virtuels n’étant pas dès plus efficace à ses yeux, et la relayait au rang de rebelle de seconde zone.
Kell prit une profonde inspiration, bien que déterminée, elle n’en demeurait pas moins secouée par le meurtre qu’elle venait de commettre.  
« C’est Dard Doré, je suis à nouveau libre ce soir. Je serai sur la plage Ouest de Mouptoc. Destination Buckingham ! »
Elle raccrocha et brisa le portable contre un mur. Elle regarda un moment l’humain agonisant. Des larmes aux yeux.
Prise d’un remord, elle se pencha au ras de sa tête pour lui murmurer.
« Je regrette docteur, mais je suis vivante. Et la vie est toujours en liberté. Jamais vous, humains, n’auriez dû faire une chose pareille à nous, hybrides. Vous le payerez jusqu’à la dernière goutte. »

Et alors Kell sauta par la fenêtre et s’enfuit de l’hôpital psychiatrique se glissant derrière une voiture sortante.  
Deux heures plus tard, elle avait rejoint les mafieux. La plage n’étant pas très loin, elle parvient facilement à la rejoindre clandestinement. Principalement en s’introduisant dans les caravanes des touristes.
Ils étaient là, autour d’un hélicoptère stationné sur une bute.  
Tous avaient des airs de monsieur-tout-le-monde, pourtant ils avaient un regard indiquant de loin à quel point ils savaient être dangereux. Seul le plus petit aborda Kell.

« Alors fillette, on quitte le nid ? Une envie de brume ? Ca fera 20 000€ et un sourire. »

Sa voix gronda sans que cella ne troubla le moindre du moindre Kell. »

« 20 000€ ? Pour atterrir en banlieue et devoir passer par les égouts pour rejoindre mon logement fraichement arnaqué ? Je vous lègue la totalité des biens de l’île si vous faites ceci et me procurer un document attestant que je suis l’esclave d’un humain fictif et des cartes bleu au nom de Lize Virmon. »

Le malfrat marqua sa surprise et ne se fit pas attendre pour donner sa réponse, un large sourire sur le visage.

« Tout ça ?! Tu as quoi à y gagner, Dard Doré ? Et comment tu compte nous donner nôtre dû ? »
Toujours aussi rigide, la scorpion le toisa des éclaires dans le regard.

« J’ai les codes d’accès de tout le domaine et ceux des coffres contenant les titres de propriétés de l’ensemble des bien.  J’ai juste à vous les envoyer. Et ce que j’y gagne ? Vous ne pourriez probablement pas comprendre. Sans compter que… Ca ne te regarde pas. »

Sans plus attendre, le groupe se consulta brièvement du regard et embarqua dans l’hélicoptère, faisant place quand Kell y monta à son tour.  L’engin décolla de suite. Durant le vol, le nécessaire fut fait de part et d’autre par la magie de l’internet satellitaire et du savoir faire en contre façons du groupe.

Le trajet fut ponctué d’escales visant à faire le plein et à fournir les papiers exigés, ainsi qu’à préparer une arrivée sur le territoire londonien. Les contacts faisant beaucoup, pour ne pas dire tout, l’arrivé de Kell sembla être des plus légales et conformes.

Une fois son engagement tenu et prouvé, l’hybride se sépara du groupe et fit valoir son titre de propriété sur un appartement de banlieue. Les mains graissées, le notaire ne fit pas le difficile.
Pratiquement ruinée, mais au plus près de l’action, tout était sur les rails de la victoire pour Kell.

Son logement était miteux, ses meubles aussi. Mais elle était pour la première fois, depuis très longtemps, heureuse.
Les jours qui suivirent, elle trouva un travail comme danseuse dans un bordel clandestin. Les semaines passées elle s’était fait une petite réputation dans le quartier ; de charme exotique et venimeux. Si bien qu’elle n’avait vraiment qu’à danser pour vivre.

Ce matin, elle buvait un thé dans un pub de la banlieue de Londres.  Sa queue soigneusement attachée dans son dos, sous son imperméable. Prête à frapper le cœur de « fog city » .