Il est temps d'enterrer nos morts et de soigner nos vivants.Spencer n'oublie pas. Ou plutôt, ne veut pas oublier. Malgré ce qu'on a pu lui inculquer à l'état sauvage, le jeune homme se souvient parfaitement de certains souvenirs comme si c'était hier, bien que peu à peu, ils commencent à s'effriter à force de garder ces réminiscences pour lui.
Mais il s'épuise à ne pas oublier. Encore et encore, il tâche de retracer son plus lointain souvenir de lui quand il était encore un enfant. Et bien qu'il n'y ai plus personne pour confirmer sa version de l'histoire, Spencer se réconforte en disant que tout est vrai... Même s'il sait au fond qu'il est loin
d'être infaillible.
Il sait qu'il est né dans un élevage spécifique, situé dans le nord de Londres. Un élevage centré sur les hybrides chat, censé satisfaire les clients les plus capricieux quand on venait à discuter des détails. Le genre d'institut où l'on éduque les tout jeunes enfants à être naturellement disciplinés une fois embarqués à la maison, à être plus une décoration qu'un travailleur forcené consistant à faire la cuisine ou le ménage. Mais plus encore, il s'agissait simplement d'avoir des félidés dixit '
de race particulières' qu'on ne trouve pas partout. Et afin qu'elles prolifèrent facilement tout en donnant des hybrides bien soignés, il n'y avait rien de mieux qu'un établissement spécialisé où ils étaient assurément écartés du monde extérieur. Ce fut dans ce genre d'environnement que '
Spencer' vit le jour.
Non, 'Spencer' n'existait pas encore à cette époque là. Mais il ne se souvient plus du nom qu'on lui avait attribué dés lors.C'est aussi avec grand mal qu'il se souvient de ses parents. En vérité, il ne se remémore pas vraiment avoir été en contact avec eux en grandissant, alors poser un visage et encore moins une voix lui est impossible à l'heure actuelle. L'unique figure parentale qui lui était donné d'avoir fut les nombreux éleveurs qui se passaient sans cesse le relais entre eux, créant un grand tourbillon sombre dans son esprit. Ils étaient tous bien traités malgré le fait qu'on pouvait leur en demander beaucoup, et jamais le jeune hybride n'a eut de mauvais ressentiments quand il effleure sa petite enfance du bout des ongles, nonobstant le manque cruel affectif que les adultes se privait de lui donner. A côté de ça, il s'avérait être un petit bonhomme vif d'esprit ainsi que plutôt dynamique physiquement, qui en plus de ça s'obtempérait docilement quand on lui demandait de faire quelque chose. Il fut si bien chouchouté qu'on lui priva très tôt de faire toute activité éprouvante, sans qu'il eut à penser qu'il y avait une quelconque raison derrière ceci. Il se vit juste comme légèrement plus favorisé que le reste des enfants, voilà tout... Même si lui, contrairement encore une fois aux autres, devaient prendre de temps à autre de drôles de cachets blancs. Même si lui, alors que les autres s'amusaient dehors, devait passer plus d'examen médicaux.
C'est uniquement qu'un peu plus tard, vers ses six ans, qu'un éventuel acheteur se présenta à l'élevage. Un vieil homme au sourire bienveillant et à la canne luisante, richement habillé par dessus le marché. En sommes, un client bien banal pour l'institut qui de toute manière, ne s'adressait qu'aux privilégiés vu le prix de sa marchandise. Bien étrange, néanmoins, vu que le petit hybride était bien en dessous de l'âge légal pour l'adoption... Tout du moins, c'est ce que la loi disait. Pourtant à côté, l'élevage faisait parfois quelques 'écarts' lorsque l'acheteur donnait le double, ou bien le triple du prix initial. Il s'agissait là de quelques affaires rondement menées pour satisfaire les clients les plus capricieux, mais aussi, pour les plus habitués. Rapidement mit en ligne avec ses semblables du même âge et de la même race, il fut rapidement l'heureux élu. Les éleveurs paraissant bien gênés une fois le choix établit, ils demandèrent à plusieurs reprises à l'homme d'âge mûr si sa décision était belle et bien prise, chose à laquelle il répondit que oui, rajoutant même un
'Je ne changerais pas d'avis' sur la fin. Fortement intimidé par l'inconnu qui l'attendait en dehors de ses murs, le jeune félin suivit de façon très hésitante son nouveau maître jusqu'à la porte d'entrée, ne se doutant absolument pas de ce qui allait se passer ensuite. C'était la première fois qu'il mettait les pieds hors de la grande bâtisse, car hormis les rares moments 'détentes' du jardin bien clôturé, il n'avait jamais réellement respiré l'air frais. C'est après la peur qu'est venu l'excitation,
la curiosité. Tout un nouveau monde allait s'ouvrir devant lui... Il n'avait qu'a suivre les pas du vieillard pour le découvrir.
Le pauvre enfant était encore bien naïf. Le monde ne ressemblait pas à celui qui lui était conté dans ses livres d'images, et jamais, ô grand jamais, allait-il pouvoir le voir comme il le désirait tant.La descente fut abrupte ;Une fois arrivé chez son nouveau 'chez lui', le petit garçon fut obligé de passer par une étape qui fait froid dans le dos. La grande famille qui l'avait adopté voyait tout d'abord ses hybrides comme des objets... De luxe, certes, mais le grade restait le même. Ils n'étaient qu'un bien qu'il fallait posséder. Alors, comme tout les esclaves précédents, le nouveau venu fut marqué au fer rouge du nom de la maison ; 'Forester' dans le bas du dos. Un épisode très douloureux qu'il avala difficilement et lui fit comprendre la dure réalité. Et suite à ça, le temps passa, et il ne fallut que quelques jours avant qu'il n'apprenne la véritable raison de son achat.
Il devait être un présent d'anniversaire, offert au petit fils du vieillard qui était venu le chercher à l'élevage. Il était officiellement au nom du doyen sur papier, mais donné gracieusement par la suite au plus jeune. Jusqu'a maintenant, chaque membre de la famille Forester possédait son propre 'hybride de compagnie', et le plus jeune n'allait pas passer à côté de cette tradition. Trop jeune pour comprendre son devoir, le petit félin se contenta seulement d'approuver silencieusement, comme on lui avait jadis apprit à le faire.
La fête ne tarda pas à arriver. Préparé avec soin, l'hybride devait être le clou du spectacle, le must des innombrables cadeaux qu'on avait pu offrir au jeune enfant. L'effet fut une réussite et l'anniversaire en lui-même, un succès inégalé. Le jeune maître était aux anges, tandis que les autres conviés applaudissaient fortement lorsque le '
cadeau' arriva au centre de la pièce. Et pourtant... La seule chose dont se souvient vraiment l'hybride, fut à quel point il était intrigué par son nouveau supérieur. Logé sur une drôle de chaise qui semblait rouler, il n'avait pas comprit pourquoi le petit humain ne s'était pas levé une seule fois pour aller chercher ses nouveaux jouets, alors qu'il quémandait à tout va de l'aide.
[…]
« Je désire avoir le numéro sept. » « Le numéro sept monsieur ? Vous êtes certain de votre choix ? Je veux dire, il y en a pleins qui sont... Mieux adaptés. C'est à votre guise mais, si je peux me permettre, ce chat du Bengal ci n'est pas le plus performant... A cause de sa maladie... Il... » « Je sais pour sa maladie au coeur, mademoiselle. J'ai consulté sa fiche avant de venir... Et c'est tout de même lui que je veux pour mon petit-fils. Je veux un hybride calme qui lui tiendra compagnie sans avoir à l'éduquer afin de le garder assit cinq minutes. Pas une chose vivace qui se met à courir on ne sait où. Je m'arrangerais moi-même pour sa maladie. Je ne changerais pas d'avis. »[…]
« Tu t’appelleras Asher ! C'est beau non, tu aimes bien ? Si j'avais eu un chien, je l'aurais appelé comme ça, aussi ! »
Son nouveau nom lui fut attribuée le lendemain. Toujours vissé à la même chaise, son petit maître avait un sourire à en décrocher la lune. Par contre, le nouveau baptisé lui, paraissait soudainement confus ; On l'avait prévenu que son maître le nommerait en temps voulu, mais il ne s'y était pas non plus préparé. Il avait vécut beaucoup de chose en si peu de temps que le blondinet était toujours extrêmement désorienté. D'autant plus qu'il était toujours incroyablement intrigué par la condition de son jeune maître, à un tel point où il fut un soir, sévèrement grondé pour avoir répliqué un
'Pourquoi tu ne vas pas le chercher toi-même ?' lorsqu'il lui demanda de lui apporter un livre posé en évidence en hauteur sur une bibliothèque. Asher n'avait jamais vu de chaise à roulettes, et n'avait encore moins comprit que le jeune humain était handicapé au niveau des jambes, ou plus simplement, était paralysé. Fort heureusement, ce fut la dernière fois qu'il fit cette grossière erreur, et encore moins qu'il chercha à lui répondre quand le jeunot lui ordonna quelque chose.
C'est que le jeune maître était caractériel. Enfant trop gâté par un père unique très peu présent, le chat faisait souvent les frais de grands caprices irréalisables, de jouets lancés sur le haut du crâne. Etant encore des enfants, Asher lui servait plus de compagnon de jeu, mais tout était prétexte pour qu'il vienne à lui crier dans les oreilles. Entraîné à être docile, le blondinet ne répliqua jamais, s'attachant à toujours essayer d'accomplir ses exigences les plus improbables.
Si le chat ne devint pas proche de son maître, ce fut avec le doyen qu'il retrouva de la complicité. Ce dernier, vivant seul avec son petit-fils dans ce grand manoir alors que son propre fils était occupé par les affaires, semblait veiller sur l'ensemble de la maison avec une pointe de gentilesse au fond des yeux. Asher se prit à l'apprécier, se prenant à l'écouter lorsqu'il venait réciter une histoire à son jeune maître, regardant avec des yeux plus curieux lorsqu'il essayait de lui apprendre à jouer aux cartes. Alors que l'enfant capricieux ne paraissait que s'ennuyer en la présence de son grand-père, le chat lui, cherchait à le suivre quand il en avait le temps ; Ce qui plus rire le vieil homme qu'autre chose, sûrement bien content de voir un éventuel intéressé. Et ce fut tout naturellement qu'il entreprit de le garder sous son aile, lui enseignant ce qu'il pouvait comprendre du haut de ses septs ans, répondant à ses questions qui fusaient sans cesse dans son esprit.
Les événements se déroulaient lentement mais sûrement. En quelques années, le prénommé Asher restait toujours aussi fidèle à son post. Il grandissait, et arrivait à s'ouvrir l'esprit tout en restant discipliné, disposé à répondre aux ordres qu'on pouvait lui donner. Sa maladie par contre, pouvait montrer de temps à autre le bout de son nez, l'obligeant à prendre beaucoup plus de repos et de médicaments. Alors qu'il ne se savait pas avec un problème cardiaque, la nouvelle n'eut pas l'air de le choquer plus que ça. Au fond, il avait l'air de s'en douter.
Ce fut seulement vers ses quatorze ans que le tonnerre commença à gronderLe félin n'était pas le seul hybride présent dans le manoir Forester. Au maximum, la demeure comptait elle-même plusieurs hybrides de toute sortes, dont environs trois qui étaient supposés de race 'rares'. En tout, ils devaient être une petite quinzaine. Pourtant, entre tous, ce fut d'un autre hybride chat dont Asher se rapprocha le plus.
Un Maine coon nommé Robb, âgé de six ans de plus que lui. A ce qu'il avait comprit, ce dernier aurait dû être l'hybride attitré du père de famille mais au dernier moment, ce dernier avait changé d'avis, préférant une hybride femelle plutôt qu'un mâle.
« Sûrement pour se la taper, » Grommelait souvent son confrère, affichant sa moue colérique.
« Que d'la mauvaise graine ces Forester de toute façon. T'as pas de chance non plus Ashy, toi, t'as eu le gosse qui sait même pas faire deux pas avant de gueuler comme un porc. Au moins le vioc' t'aime bien. » Toujours de mauvaise humeur, tâché par une incroyable rancune, Robb ne mâchait jamais ses mots quand il parlait de ses '
employeurs'. Même quand l'un d'eux était dans le coin, il poussait sa provocation toujours à un point de non retour. Et le plus jeune lui, se contentait juste d'éprouver une certaine admiration, en silence.
« Sérieux, qu'est ce que j'aimerais m'casser d'ici. »Nombreuses fut les fois où ils discutaient tout les deux, après une longue journée de travail. Robb partageait sans cesse ses désirs d'escapades alors qu'Asher, l'écoutait dans son coin. Tout aussi excentrique qu'il était, le chat appréciait l'autre félin, voyant en lui comme une sorte de grand-frère spirituel. Il avait de la ressource, du bagout et semblait parfois si malin qu'il ne pouvait qu'applaudir bien fort quand il lui volait des bonbons provenant directement de la cuisine. Robb incarnait une sorte d'idéal qu'il ne pourrait jamais atteindre... Qu'il ne voulait pas atteindre. Lui, il ne se voyait absolument pas du tout à l'extérieur entrain de vagabonder de ci de là. N'était-ce pas trop dangereux pour lui, qui avait déjà le cœur fragile ? C'est avec cette pensée qu'il se pinçait toujours les lèvres, réticent. Et pourtant... Son admiration le poussa un jour à accepter ce qu'il n'aurait jamais dû accepter.
«... Ashy, si j'me casse un jour, tu viendras avec moi, hein ? » « … Comment ? » « Tu vas pas m'lâcher pour des humains hein ? Tu vas pas m'laisser tout seul, hein ? T'es comme mon p'tit frère, je vais avoir la conscience lourde si je te laisse derrière. Alors m'fait pas faux bond, pas sur ce coup ci. » C'est en inspirant longuement que le blond, répondit d'une voix presque muette.
« D'accord. Je viendrais avec toi. »Comme un présage, ainsi arriva la 'catastrophe' quelques mois après cette discussion. Un grand incendie qui se déclara en pleine nuit dans la partie ouest du manoir. Dévastateur, il ravagea tout sur son passage. Monstrueux, il ne laissa qu'une poignet d'hybride s'en sortir, vu qu'ils étaient eux situés vers la partie est de la demeure. Tout le reste ? Disparus entre les flammes. Son maître, l'homme qui avait été si bienveillant avec lui, tout ça n'était plus qu'un songe du passé, emporté trop tôt. On blâmait une cheminée, le fait que la plupart de la maison était en bois. Mais Asher n'écoutait plus rien de tout ça... Il était anéantit, perdu. Tandis qu'il regardait le feu s'installer brutalement dans la maison, il tomba à genoux au sol, les yeux écarquillés devant le spectacle, dans l'incapacité de faire un pas de plus. Les voix affolés des autres hybrides se compressaient les unes contre les autres pour ne créer qu'un fond sonore grésillant... Jusqu'au moment où...
« … Asher ! ASHER, OH ! » Mais Asher n'était plus là. De force, une main l'attrapa au niveau du bras pour le tirer brutalement vers le haut afin de le remettre sur ses jambes. Robb était là, pressé comme jamais.
« On se barre, tu m'entends ? ON SE TIRE D'ICI ! c'est le moment ou jamais mon vieux ! Avant que la police et les pompiers s'rammènent ! » Tremblotant, c'est quasiment en le traînant que le plus âgé le tira avec lui vers un bosquet.
Une opportunité. Voila ce qu'attendait son compagnon depuis des années. C'est à partir de cette nuit là qu'Asher commença à le regarder autrement, se doutant bien de la supercherie ; Il n'était plus le grand-frère un chouilla rebelle, non... Il était simplement devenu un criminel, le type qui venait de lui arracher une vie on ne peut plus confortable, égoïstement . Devenu taiseux, il ne quitta pas pour autant son aîné pour suivre une voix différente de la sienne, tenant à honorer la promesse qu'il lui avait faite de nombreux jours avant.
Il resterait avec lui, comme promis.La vie dehors était bien plus compliquée. Se nourrir, se loger, tout était devenu une bataille quotidienne... Tout deux vivaient en forêt, et aucun des deux, surtout Asher, ne savait ni chasser ni même survivre dans la nature. Ne mangeant que très peu, il n'y avait que Robb qui faisait des aller-retours entre leur planque et la ville pour rapporter quelques grammes de plus à manger, nourriture surement volée aux citadins quand ils avaient le dos tourné. Plus ça allait, plus le plus âgé allait et venait régulièrement. Au début, il expliquait chaque déplacement, puis au fur et à mesure, il lui prenait de partir un ou deux jours sans rien dire. Ce soudain éloignement marqua définitivement leur relation qui maintenant, était définitivement tendue.
Jusqu'au moment où un jour... Il ne revint plus.L'hiver accompagna cette soudaine disparition. Esseulé, légèrement apeuré, le blond dû apprendre à se subvenir tout seul pendant un temps par la force des choses. Un temps assez court, puisqu'il ne pouvait décidément pas trouver pitance au cœur de la forêt sans assistance, surtout alors que le froid refaisait surface. N'ayant plus de médicament non plus puisque c'était Robb qui arrivait à lui en rapporter, il fut rapidement à court bien qu'il n'en prenait pas tout les jours. La situation devenant critique, Asher n'eut d'autres choix que de se diriger vers la ville de nouveau, un an presque après l'incendie.
Maigre, affamé mais surtout épuisé, la vie en ville le fatigua bien plus. Il mit beaucoup de temps à s'habituer au rythme de la citée, et multiples fut les fois où il se retrouva au bord du rouleau. Combien de mois s'est-il débrouillé tout seul ? Un mois à peine, avant de goûter pleinement au bitume dans une petite ruelle isolée, s'effondrant péniblement. Insuffisance de nourriture, la fatigue, le froid... Un mélange qui aurait pu lui être mortel si cette fois-ci, quelqu'un n'était pas passé par là par tout hasard.
La chance fut véritablement de son côté lorsqu'un hybride passa juste une ou deux minutes après lui pour emprunter cette ruelle désertique. Et bien plus que ça, sa chance fut tellement extrême que ce même hybride, l'emporta avec lui alors qu'Asher paraissait bel et bien mort, la peau bleutée par le froid ambiant. C'est seulement en se réveillant une demi-journée plus tard que le gamin de quinze ans comprit que peut-être, aurait-il dû mourir dehors quand il en avait eut l'occasion.
Car même quand il est question de 'chance', tout est relatif.C'est la première fois depuis longtemps qu'il a l'occasion de voir un plafond trôner au dessus de sa tête lorsqu'il ouvre ses yeux. Asher est prit alors de spasmes, son souffle devient si vif qu'il halète presque. Il a l'impression d'avoir un poids sur la poitrine, que ses membres sont cloués au sol. Ses facultés motrices ne répondent plus, son cerveau est éteint alors que sa vision se trouble de nouveau... Pour finalement s'évanouir une nouvelle fois. Juste avant le black-out, il croit juste entendre un râlement assez fort pour être compréhensible. Un '
C'est pas possible'.
La seconde fois se passe un peu mieux. Il arrive cette fois-ci à s'éveiller assez longtemps pour voir une silhouette assise à côté de lui. Mais pourtant, son cerveau n'arrive toujours pas à faire la liaison entre réalité et le néant. Il lui faut du temps, beaucoup de temps pour se remettre à réfléchir convenablement. De plus en plus, il arrive à analyser ce qui se passe autours de lui ; Il était bel et bien à l'intérieur d'un bâtiment, sur une sorte de couchette très improvisée. Asher arrive à sentir d'autres présences, bien plus nombreuses cette fois-ci... Et il de ce fait, il parvient même à s'étonner.
Il était encore vivant. Et ce ne fut pas le seul. Alors qu'il se relevait péniblement pour s'asseoir et appréhender ce qu'il avait autours de lui, quelqu'un se met à crier. Le chat se met alors à grogner, plissant le nez parce que l'endroit résonne comme pas deux. La personne qui venait de hurler était une jeune femme aux cheveux sombres, toute en finesse et en longueur. Elle avait l'air pas mal paniquée tandis qu'elle s'approchait à vive allure de lui, le suppliant de rester allongée '
parce que c'est mieux.' Alors il se met à obéir, car de toute manière, il n'avait pas encore la force nécessaire pour tenir en position.
C'est bien plus tard qu'arrive les explications ; Ramassé dehors par un hybride, ce dernier l'avait ramené à ce qui paraissait être une 'communauté' de 'rebelles'. Ceux qui vivaient fièrement sans maîtres, des militants luttant ardemment pour l'égalité... Non, contre les humains. Et bien qu'il s'agissait d'une idéologie très différente à la sienne, Asher ne pouvait pas nier que l'un des leurs lui avait sauvé la peau. Il était donc reconnaissant, bien qu'incroyablement méfiant de prime abord. Ces gens, il ne les connaissaient pas... Et Dieu seul sait comment les choses pouvaient tourner. A force de vivre seul dehors, le félin savait pertinemment à quel point les précautions étaient primordiales.
La jeune femme qui s'était occupée de lui pendant tout ce temps s'appelait Glory S ., une hybride mamba noir aux cheveux plus sombres que le charbon et à la peau presque grisâtre, recouverte d'écailles par endroit. Elle n'en avait pas l'air, mais elle était bien la seule qui s'était légèrement inquiétée en voyant son état... Qui plus est, elle était aussi l'une de ses hybrides capable de soigner les autres, médicalement parlant. Un pion primordial pour un groupe vivant dans un entrepôt désaffecté comme eux. Avec le temps, Asher semblait retrouver des forces, mangeant gracieusement ce qu'on voulait bien partager avec lui, se reposant des heures, si ce n'est des journées entières. Il eut même son rapport médicamenteux, pioché allègrement dans la réserve du groupe.
Puis il arriva.A ce qu'il avait comprit, ce groupe était dirigé par un hybride ours à la prestance un peu spéciale, contrôlant d'une main de fer les faits et gestes de chacun. Ne l'ayant encore jamais vu, Asher n'aurait jamais cru avoir à faire à un tel changement d'ambiance lorsqu'il rentra pour la première fois dans la planque. Tout le mouvement de foule s'était mit un moment sur pause lorsque lui et d'autres membres déboulèrent d'un pas nerveux. Le blond, trop curieux, s'était redressé promptement en entendant les talons s'arrêter devant sa couche, relevant des yeux confus vers un homme très grand, visiblement costaud et balafré au visage. Encore alité, il avait un peu plus bonne mine que les jours précédents, bien qu'on lui conseillait encore de ne pas sortir de son lit.
« C'est lui l'avorton ? » Rien que par ce qu'il dégageait, l'adolescent sentait sa gorge se nouer comme jamais auparavant. Ni une ni deux, il s'avança tant qu'il manqua de lui marcher dessus, juste pour agripper ses cheveux blonds et le hisser d'un bras, l'air dédaigneux, lui faisant lâcher un gémissement de douleur
« Qui est l'foutu con qui a ramené un vermisseau pareil ? J'en veux pas, de ce machin. Il aurait dû crever dehors, j'ai pas b'soin d'un gosse qui graille dans nos réserves. » Faisant signe de le reposer au sol, le chef eut pendant une fraction de seconde les yeux exorbités. Apeuré, le garçon cru avoir à faire à une bête sauvage prête à le déchiqueter en morceau.
« Qu'est ce que tu pourras bien me rapporter, hein ?! Tu sais ce qui me met le plus en colère ? Les p'tits parasites comme toi. Tu pues l'humain, tu pues la docilité. Les p'tites merdes comme toi, j'en broie tout les jours. Ton maître t'as mit à la rue et ça y est, t'vas piocher chez les autres ?! Hein, c'est ça ?! Tu nous prends pour des cons ?! » Asher devient blanc... Non,
bleu. Il est mort de trouille, alors il déballe ce qu'il pense en premier. Quelque chose, n'importe quoi qui pourrait le sauver.
« Je vais... Je vais partir... Je... Je vais m'en aller... » Son assaillant lui, prend une couleur ressemblant de loin à un rouge vif. Le chat sent par la suite un coup tellement fort au niveau de son estomac qu'il en dégobille ce qu'il a ingéré il y a à peine vingt minutes. Il se contorsionne une fois qu'il touche le sol, le souffle coupé, ne pouvant même plus crier de douleur. Il est encore si faible qu'il entends à peine la suite des mots de l'ours, prêt à tomber dans les pommes d'une seconde à l'autre. Mais ceci n'est rien comparé à la semelle qui s'ancre contre sa tempe...
Il croit presque entendre un craquement. « Tu te fou de ma gueule, hein ?! Tu veux partir ? P'tit merdeux va, si t'oses te barrer sans payer c'que tu as pris ici, j't'éclate la gueule pour de vrai... »Puis Asher s'effondre de nouveau. Il n'a pas l'occasion d'entendre le reste de sa phrase.
Ce que n'avait pas comprit l'hybride chat au début,
c'est ce malaise constant au sein du groupe. C'est en l'observant bien plus tard qu'il cru en comprendre son fonctionnement ;
Ici, c'est la loi du plus fort qui domine. Les hybrides les plus robustes ont le plein pouvoir, jusqu'au droit de maltraiter les plus faibles si ça leur chante, jusqu'a leur prendre la nourriture de la bouche. Et c'était bien ce que faisait le chef et son petit groupe quand ils arrivaient à l'entrepôt... Une journée mal passée ? Ils pouvaient très bien s'en prendre à la première jeune hybride du coin. Quelqu'un à blâmer ? C'était toujours les autres et non eux, ce qui résultait toujours à des 'punitions' injustifiées. Et en parlant de punition, ils étaient toujours très inventifs. '
Tant que c'est moi le plus fort ici, c'est moi qui domine.' Affirmait toujours le grand balafré... Mais encore et surtout, il n'y avait aucun moyen de partir sans avoir les représailles par la suite. '
Si tu t'barres comme un lâche, on va te traquer et j'te jure que si on te retrouve, j'vais faire en sorte que tu meurs pas tout de suite.' C'est ainsi que son règne sous la terreur se perpétuait.
Le chat, après cette altercation, mit encore de longs jours à s'en rétablir. Néanmoins cette fois-ci, c'est une fois capable de tenir sur ses deux jambes qu'on l'envoya accomplir ce qui était sa '
dette'. Des missions simples, consistant à venir voler deux trois trucs chez les humains. Enfin 'simple' pour un hybride habitué à l'extérieur... Il fallut plusieurs longs essais avant qu'il puisse réussir à chopper quelque chose de rentable pour le groupe. Fait que le chef s'assura de vérifier à chaque fois à son retour, comme s'il savait de façon malsaine qu'il n'y arriverait pas. Et c'est avec la peur au ventre qu'il rentrait chaque soir à l'entrepôt, sachant pertinemment qu'il allait subir d'autres blessures, de plus en plus cruelles. Mentales ou physiques, peu importe, tant qu'il frappait assez fort.
« T'es ma chose, p'tite merde. J'peux t'éclater quand j'veux. Tu devrais être reconnaissant que j't'épargne tout les soirs. Tu me dois la vie. »Tant de mots. Mots qui finissaient par voler très loin au dessus de la tête d'Asher.
Il a apprit à ne plus exister quand il s'amuse à exercer son plein pouvoir sur lui. Il préfère se concentrer sur la douleur physique, surtout pour ne pas réfléchir. C'est sa meilleure alliée lorsqu'il se retrouve le soir sur sa paillasse, entrain d'haleter de douleur.
Il croyait avoir atteint le paroxysme du mal-être. Asher croyait avoir atteint le fond. Mais ce n'était pas encore le cas.Les violences presque quotidiennes durèrent pendant de longues semaines avant que ça se tasse. Le chef avait décidé de prendre un autre individu en bouc émissaire, surement lassé de sa précédente victime. '
Tant mieux' se disait le blond, même si ça n'empêchait pas l'ours de revenir de temps en temps vers lui lorsqu'il échouait, il pouvait correctement panser ses blessures pour être plus performant ailleurs. C'est aussi pendant cette période qu'il commençait véritablement à se détacher du monde, se créant une personnalité qui aurait pu encaisser à peu près tout et n'importe quoi. Sa petite taille et son corps frêle s'avérait être un atout précieux avec le temps, car on l'envoyait plus favorablement piller discrètement les maisons, ou les magasins quand il y avait du monde. Avec les années, il arrivait à trouver son utilité, s'étant fait à ce régime tyrannique qu'imposait le grands ours, même si ce dernier lui avouait toujours avec ce sourire tordu qu'il appréciait le temps où il entendait ses os craquer sous ses coups. Ses menaces cependant, commençaient à lui faire ni chaud ni froid.
Mais rien ne pouvait le préparer à ce qui allait arriver ensuiteDix-huits ans. Un vendredi. Aujourd'hui, les membres du groupe ont eut une mission plus dure que les précédentes, qui consistait à venir cambrioler un magasin de bijou.
C'était osé, BEAUCOUP trop osé pour un simple clan d'hybrides qui ne possédaient pas vraiment d'armes à feu en cas de pépin. Mais caprice du chef ;
Ils allaient le faire. Les préparatifs durèrent longtemps, surtout le temps de trouver un plan adéquat. Tout le monde était concerné ; Dont Asher qui devait faire le guet si les choses se gâtent. Chance fut qu'il soit mit en groupe avec Glory S., qui était sans doute la seule et unique personne avec qui il se sentait relativement bien dans ce fichu clan. Dans tout les cas, ils devaient tout deux vérifier les alentours au cas ou, de points différents cependant. Alors qu'il était situé vers l'entrée, la jeune femme elle, devait assumer son rôle vers l'arrière de l'établissement. Une fois les préparatifs achevés et la mission lancée, tout se déroula bien... Jusqu'au couac. Couac provenant d'Asher qui, n'avait pas prévenu la retraite assez tôt pour qu'ils puissent fuir convenablement . Pas assez attentif, certains hybrides se retrouvèrent piégés, et pire encore, certains se virent capturés.
Une catastrophe monumentale.
« C'EST D'TA FAUTE ! » C'était sûrement le quatrième coup de poing qu'il se prenait dans la figure. A pleine puissance, tout du moins. La confrontation avait à peine commencée qu'Asher ne se sentait pas apte à recevoir d'autres chocs sans tourner de l'oeil. Il toussota violemment jusqu'à cracher quelques gouttes de sang, sûrement parce qu'il s'était mordu l'intérieur de la joue. Par la suite, il essaya de se redresser à quatre pattes, cependant bien vite bousculé par un coup de pied dans l'épaule. Asher chavira lourdement, restant cette fois-ci immobile.
« T'avais qu'un rôle et tu as tout fait foiré ! Avoue que tu as fait exprès, AVOUE ! » Le grand homme tiqua, faisant un signe à deux autres hybrides se rapprocher.
« T'sais quoi ? J'commence à en avoir marre de toi. J'crois que j'ai été trop indulgent. Beaucoup trop. Vous, tenez le contre le sol. » Asher se mit à serrer les dents. Il se prépare à prendre cher... Mais à quel point ? L'hybride ours sort un canif de sa poche, plus sérieux que jamais. Asher ne cherche même pas à se débattre, même si deux autres types le tiennent au sol. D'un coup d'un seul, le blond se met enfin à crier de douleur ; On vient de lui écrabouiller la main avec un coup de talon bien placé. Le tyran ne bouge pas, se mettant accroupit pour lui faire face, lui montrant de bien près sa lame.
« J'commence où ? Les doigts, la langue, un œil ? Peut-être pas la langue, parce que je pourrais plus t'entendre c... » « Ça suffit. »C'est une première. Quelqu'un s'avance enfin... Glory. L'air déterminée, la jeune femme ne s'était jamais interposée... En fait, jamais personne ne l'avait fait pour qui que ce soit. Asher entends juste mais ne voit pas la scène... Et malgré tout, c'est largement suffisant.
« C'est moi qui ai foiré, pour l'opération. Je devais prévenir Asher pour qu'il puisse vous transmettre le message, mais je suis arrivée trop tard. » Elle continue de parler, personne ne l'interromps.
Mais elle ment... Elle ment.
« Alors s'il te plait... Arrête de t'en prendre à lui. C'est pas sa faute, c'est moi qui suis arrivée trop ta... » Un bruit résonne dans la grande salle. Les spectateurs eux, étouffent aussi pour la première fois une surprise générale. Asher ne sent plus le poids contre sa main. La brute s'est juste avancée pour donner un coup de poing virulent dans la figure de la pauvre hybride, assez pour que son pauvre corps chétif tombe raide au sol, inanimée.
« Ne me donne pas d'ordre. » Personne ne parle, personne ne respire. L'hybride lui, en tout cas, n'entends plus rien.
Et enfin, il savourait de nouveau le noir absolu.La punition d'Asher avait été levée... Ou plutôt,
écourtée. Une fois de nouveau éveillé, sa première réaction fut de savoir où était sa compagne de mésaventure, chose à laquelle personne ne répondit. Un mystérieux silence, agrémenté d'une atmosphère plus lourde. Ce fut dans ce silence gênant qu'il avait trouvé sa réponse, bien qu'il ne voulait pas tout de suite l'admettre. '
Glory ne reviendrait sûrement plus jamais parmi eux'. C'est ce qu'il voulait indéniablement dire.
Pourtant, il serait mentir de dire que les choses se sont arrêtés là. Après la dure altercation, une mutinerie semblait gonfler dans le reste du groupe. Les mots passaient, on se disait qu'il fallait 'venger' la jeune femme injustement traitée, qu'il fallait renverser à tout prix le régime despotique de l'actuel chef... Mais jamais Asher ne paraissait intéressé par cette révolte. Lui... Commençait simplement à se morfondre, à se blâmer pour la disparition de sa seule alliée. Celle qui veillait toujours sur lui quand ses blessures l'accablait, qui se permettait de lui crier dessus quand elle voyait qu'il quittait trop tôt son lit quand il n'était pas en état. Elle s'était interposée en sachant qu'elle allait en payer doublement le prix... Et à la fois... Se serait-elle doutée qu'elle agirait comme un symbole devant les autres personnes du groupe ? Tout dans son acte avait été héroïque et elle continuait même à l'être après sa mort.
Elle avait mise en danger sa vie, une vie qui avait largement plus de valeur que la sienne.Seul Asher plongeait petit à petit dans un abysse sans fond, torturé par le remord de n'avoir rien fait pour empêcher ce sacrifice inutile. Il expérimentait alors un autre genre de douleur ;
Le remord. Un remord tellement fort qu'il en alla presque à se négliger pendant quelques jours, oubliant de manger et n'arrivant plus à dormir.
Les choses éclatèrent d'elles-même un beau matin. Tous avait prit d'assaut l'ensemble de l'entrepôt pendant que la plupart dormait encore à poings fermés. Renversés sans le moindre mal, le chef et ses proches se croyaient tant invulnérables qu'ils n'avaient jamais eut un quelconque doute dans leur force.
Ils étaient tout puissant ici. Mais ils furent bientôt ceux qui étaient acculés.
Asher en profita pour partir lorsque les choses tournèrent au vinaigre. Il ne voulait plus rester ici...
Il ne voulait plus être dehors. Quitte à se faire éventuellement rattraper par eux ensuite si la mutinerie échouait. Mais avant tout... Il décida d'annihiler ce qu'il était auparavant. Effacer le petit être faible pour faire peau neuve, pour achever totalement sa métamorphose.
« Spencer. C'est bien ça... Non?» murmura t'il un jour à lui-même.
Il repensait au 'S' dans le nom de Glory. Elle avait, il y a fort longtemps, plaisanté dessus en disant qu'il s'agissait du prénom donné par son ancien maître avant qu'elle ne puisse s'enfuir. Et comme elle ne pouvait pas effacer son passé, elle préférait garder une trace de celui-ci encore avec elle. '
Spencer'. Un prénom mixte, mais aussi, un hommage discret à la personne à qui il devait sa vie.
Ainsi, il n'oubliera pas...Il n'oubliera jamais.Oui, il est temps d'enterrer nos morts et de soigner nos vivants.
L'histoire s’essouffle à partir du moment où il échoua délibérément à une fuite entre les humains et lui. Rattrapé, son épuisement aurait eut certainement raison de lui. Alors Spencer préférait être dans une cage plutôt que mourant à l'extérieur.
C'était toujours préférable pour lui.